Nos nouvelles vies

Construire ensemble un futur positif

Étape 3 sur 3
Publication 15/07/2021 - 15/12/2022
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17/12/2021 15:38  

Dimanche 15 mars, les rumeurs se répandent : le Président pourrait annoncer un confinement imminent et immédiat. Avec mon amoureux, nous lançant en riant : et si on allait en Dordogne, dans notre maison de vacances ? Un scénario que j'ai dans le sang, ma grand mÚre m'avait raconté des dizaines de fois les récits du confinement en Dordogne en temps de guerre, à 1km de la zone occupée.

Un scénario qui semblait bien impossible en 2020, dans un lieu éloigné de tout, sans Wifi.

Et pourtant, nous nous sommes mis en route dĂšs le lundi midi. Internet ou pas, pas question de rester enfermer Ă  Paris pour mon mari. L'enfermement est son plus grand cauchemar depuis toujours.

Vivre en Dordogne est un vieux fantasme. Je m'étais imaginée m'y réfugier en cas d'effondrement. Ou y travailler en fin de carriÚre dans 20 ou 30 ans. Et si c'était aujourd'hui ?

En faisant notre valise pour un mois, j'ai l'impression d'ĂȘtre dans un film, que le surrĂ©el est rĂ©el, que l'impossible est aujourd'hui.

Et en mĂȘme temps, cette excitation m'amuse. Quelque chose d'inĂ©dit se passe. Allons-y.

Nous embarquons mon frĂšre et sa copine sur la route et on part. Le soir, Ă  5h du matin, ma soeur, son compagnon et ses 2 filles nous ont rejoint.

En 2 jours, plus besoin de roaming, Orange nous a déjà livré une box et la vieille maison découvre le WIFI.

On démarre une vie à 8, en petite communauté fraternelle et joyeuse. La vie est rythmée par les repas délicieux, maison et conviviaux ; les initiatives des filles qui nous improvisent des cache cache géants, des olympiades et un spectacle de danse ; les soirées jeux ou ciné.

Pour nous, le confinement c'est d'abord une Joie. Joie de se retrouver. Joie de partager. Joie de contribuer et de s'entraider. Joie de ralentir. Joie de se connecter Ă  la Nature. Joie d'ĂȘtre totalement Libres, dans un grand espace de temps et de lieu. Joie de maintenir des relations fortes avec nos amis, de prendre des nouvelles. Joie de voir la France entiĂšre se mobiliser et se serrer les coudes.

Ce n'est pas toujours rose.

Je suis dĂ©solĂ©e. Pour ceux qui souffrent Ă  l'hĂŽpital. Pour ceux qui vont au front la peur au ventre comme un Poilus en 14. Pour ceux qui sont enfermĂ©s dans des petits apparts. Pour ces femmes battues qui n'ont plus d'Ă©chappatoire. Pour ceux qui se retrouvent face Ă  eux mĂȘmes. Pour ceux qui se retrouvent face Ă  des relations conflictuelles sans moyens de les pacifier. Pour ceux qui meurent seuls. Pour ceux qui pleurent un proche seuls.

Et je suis moi mĂȘme parfois en Ă©bullition. Des colĂšres, des angoisses, le besoin irrĂ©pressible d'ĂȘtre utile et active, alors que mon travail de formatrice et facilitatrice de sĂ©minaire diminue comme peau de chagrin. "Vais-je gagnĂ© assez d'argent pour bien meubler notre appart ? Pour accueillir notre bĂ©bĂ© avec sĂ©rĂ©nitĂ© ? Vais-je avoir quelque chose Ă  raconter Ă  des employeurs sur ce que j'aurais fait d'intĂ©ressant en 2020 ? Qu'est ce que j'aurais construit ? Est-ce "assez" d'avoir uniquement donnĂ© la Vie et "subi" le confinement ? " Mes vieilles croyances "Je FAIS donc je SUIS" ressurgissent Ă  plein vol. Ce n'est pas naturel pour moi de ralentir, d'ĂȘtre. Ce n'est pas naturel de donner tout son espace lĂ©gitime Ă  ma Joie qui est pourtant bien lĂ  elle aussi.

Je sais que j'ai besoin d'accueillir toutes ces Ă©motions inconfortables. Mais c'est plus facile Ă  dire qu'Ă  vivre. heureusement la joie m'envahit plus souvent ! :)

Ce que ça m'apprend ?

- J'ai encore du boulot pour apprendre Ă  ĂȘtre et Ă  ralentir sans culpabiliser

- La nature et le soleil me font un bien fou

- Les déplacements et coupures de rythme m'épuisent à Paris.

- J'ai vraiment avoir un rythme alterné avec des journées intense de travail et des journées plus douces d'apprentissage, de cuisine ou de balades. Je n'ai plus du tout envie du rythme salarié 9h-20h tous les jours et weekend à se remettre.

- On a moins besoin d'argent quand on mÚne une vie douce comme ça. Un loyer, des charges et quelques centaines d'euros pour des repas de rois, ça suffit. Donc pourquoi est-ce qu'on cherche à toujours gagner plus pour dépenser dans des trucs qui périment ? Est ce qu'on ne vit pas mieux sans consommer ?

- J'aime tellement cette maison de famille et j'ai hĂąte d'y passer plus de temps et de revenir y travailler.

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Je le sais, mon scĂ©nario est totalement inĂ©dit. Je mesure la chance immense que j'ai de ne pas avoir de proches qui souffrent autour de nous et d'ĂȘtre dans cette situation totalement hallucinante en famille bien portante dans cette belle grande maison.

D’ailleurs, je suis partagĂ©e en Ă©crivant ces lignes. D'une part gĂȘnĂ©e de partager un rĂ©cit aussi privilĂ©giĂ©e. “Journal d’une connasse des 1%”. Et en mĂȘme temps, je n’ai pas choisi et je ne peux rien faire Ă  part mesurer ma chance et remercier


Immense gratitude à mes parents qui ont maintenu ce lieu vivant, magnifique et confortable. A la nature qui nous offre un spectacle fabuleux du printemps. A mon amoureux de nous avoir poussé à quitter Paris. A Orange de nous avoir connecté au monde. A mes frÚres et soeurs, compagnons de confinement idéaux.

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Référence : BM-PROP-2021-12-792
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