Nos nouvelles vies
Construire ensemble un futur positif
Précipitations
Le confinement fait remonter les souvenirs de deux périodes longues où le temps et l'espace m'ont été radicalement imposés.
Par d'autres, il y a plus de quarante ans: quinze jours de prison en Afrique parce que je n'avais pas été prudent dans ma correspondance. Je ne savais pas si ce serait pour trois jours ou pour plus d'un an quand ils m'ont mis en cellule. Il fallait rester entier, j'ai fait avec ce que j'avais (une boite de cure-dents, des pépins d'orange, ma voix, un tabouret...) pour inventer les ressources qui m'ont permis de continuer à vivre et éviter que la colère n'entraîne l'absurde -- comme sauter à la gorge du gardien qui me narguait. Au retour, c'est comme si j'avais muté, j'allais être père, je commençais à travailler, le ciel m'était tombé sur la tête et c'était bon.
Par moi-même, il y a quinze ans: trois mois de marche dans le désert marocain pour faire une pause, en couple. Il n'y avait plus d'heures dans la journée, plus d'agenda, plus de téléphone, plus de jours dans la semaine, seulement le temps biologique et lunaire, l'effort du soin aux gestes vitaux essentiels pour moi et les trois autres personnes, la sensation du monde sur mon corps, le contact du froid, du chaud et de la matière, la cessation d'un déséquilibre douloureux entre le passé et le futur. Au retour, j'étais hypersensible aux aberrations (en particulier le gaspillage de nourriture), j'ai pris un virage professionnel, déménagé, changé d'époque.
Je nous souhaite à tous cette même "précipitation", individuelle et collective.
Philippe
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