Nos nouvelles vies
Construire ensemble un futur positif
Le souffle.
Ce matin, après que Sasha se soit réveillé puis rendormi, je me sens éveillée. J'ai envie de profiter de cette matinée, si tôt soit-elle. Après tout en Australie je faisais ça, me lever à 6h pour faire du yoga. Je prends ma tenue de sport et me glisse doucement hors de la chambre. Avant de me laver le visage, j'ouvre la fenêtre de la salle de bain. Un chant s'invite dans la pièce, des chants. Celui du matin porté par les oiseaux. En fait non, je vais aller plutôt marcher pieds nus sur l’herbe. J'en ai envie.
Je m'habille, ouvre la porte. Personne dans la rue. Il suffit juste que je traverse la chaussée et je pourrais être dans le parc. Et si quelqu'un me voit et me dénonce ?
Non, la police a autre chose à faire que de faire des tournées à 6h du matin un dimanche de Pâques et contrôler si on va dans la nature.
Ok, je traverse. Je marche sur le chemin de terre. Le chant des oiseaux se fait délicieux, couvrant l'espace et une fine odeur vient m’interpeller. Celle de la terre qui se réveille, de la brume qui se dissipe, des fleurs qui s'ouvrent à l'aube. Je réalise que c'est la même senteur qui m’éveillait le matin lorsque je dormais en tente dans les parcs nationaux australiens. Moi qui pensais qu'elle n'appartenait qu'à la terre sauvage d'Australie, je me rends compte qu'elle est universelle. Alors je marche. Je goûte à ce bonheur intense de retrouver ma liberté, aussi furtive soit-elle, dans ce monde où accéder à la nature n’est plus permis. Tiens, je n'ai jamais remarqué que ce parc héberge aussi des lilas. Je tends la main, quelle odeur sublime. Ces fleurs m'enivrent! Mais je m'arrête interdite.
Il y a quelqu'un.
Je le vois au loin avec une veste à capuche.
J'attends qu'il parte.
Mais il reste là.
Une minute.
Deux minutes.
Que faire ?
Bon, tout comme moi il n'a certainement pas le droit d'être dans le parc donc autant que j'y aille et que j'assume.
J'avance lentement et son image commence à se détacher plus nettement. Il a quelque chose presque d'irréel, cet homme… d'épouvante. Je réalise que je vis tellement dans la peur que même un épouvantail me paralyse.
J'installe mes affaires sur un banc et j'avance au milieu de grands arbres fruitiers. Parfait.
Je place mes jambes afin qu'elles soient parallèles et je m'ancre à la terre. Je sens son énergie lentement emplir mes pieds, mes jambes, mon bassin pour aller vers mon cœur. J'inspire et j'envoie cette énergie vers toutes les cellules de mon être.
J'expire et je remplis mon corps encore plus de cette énergie bienfaitrice.
J'inspire, l'air frais s'invite dans mes narines.
J'expire, les oiseaux chantent.
J'ouvre ma couronne pour laisser un peu de lumière me traverser et rejoindre l'énergie dense de la terre dans mon cœur.
J'inspire et je laisse mes mains aller de l'avant, ouvertes vers le monde. J'expire, tout doucement elles se retirent comme des vagues.
J'inspire et mon corps s'humecte de cette brume.
Pour tous les matins du monde.
J'expire, mes yeux s'embrument.
J'inspire, vivantes, mes mains dansent au gré de ma respiration.
J'expire, accueillant toute cette plénitude autour de moi.
Et comme une transe qui a commencé malgré moi et avec moi, mon corps danse cette nature qui est en moi. Les mouvements de mes bras se font plus amples, mon corps s'enracine profondément dans la terre, et mes doigts bruissent avec le vent qui les effleure. Puis la brise s'arrête et lentement mes mains se posent sur mes hanches.
Il n'y a rien à faire, juste à être là, à l'écoute du vent. Et c'est à ce moment que les paroles d’un haka maori me reviennent à l’esprit.
"Nous guerriers de lumière,
comme un appel, comme un souffle,
nous nous rejoignons pour tisser les racines de la forêt,
et vivons pour ceux de demain,
à notre tour de préserver cette terre.
Car à nos enfants, elle revient".
La brise reprend son souffle et vient me caresser le visage où un sourire s'y est esquissé. Et cette paix immense ravit mon aura.
Merci
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