Empreinte numérique

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Source: {"body":"15 janvier 2050. Je lisais tranquillement à la maison lorsqu’une pensée me traversa violemment l’esprit. La dernière fois que j’avais eu cette réflexion intempestive au milieu d’une lecture, c’était il y a exactement vingt ans. Cela me revenait enfin, je l’avais comme effacée du champ de ma « mémoire utile ». Un état d’angoisse m’envahit immédiatement. Cela me revenait de plus en plus précisément. A chacune des activités que je faisais, de la plus anodine à la plus complexe, un milliard de pensées maladroites, confuses et bourdonnantes se fracassaient à l’intérieur de mon crâne. Ce vacarme était devenu insoutenable. Même la plus triviale de mes tâches quotidiennes se transformait en supplice. A chaque mot que je dictais frénétiquement à mon téléphone intelligent pour envoyer un mail, une nouvelle idée s’ajoutait à la to-do liste imaginaire dont j’oubliais le contenu quelques minutes plus tard. Le seul remède que j’avais trouvé était les fines lignes au crayon à papier que je couchais sur des carnets, comme lorsque j’étais plus jeune. Cette écriture automatique et sincère, me gonflait d'une joie simple et pleine. J’étais suspendue dans l’instant, une temporalité que je ne retrouvais nulle part dans le monde.\r\n\r\nCe jour-là, il y a exactement vingt ans, je lisais une nouvelle extraite d’un livre que j’avais reçu pour en faire une chronique. Le même que je rouvrais aujourd’hui sans le savoir. L’idée m’avait frappée comme une fulgurance. Il y était question d’un cabinet qui proposait ses services aux personnes souffrant de surmenage. En guise de note de bas de page, l’URL me redirigeait vers l’entreprise en question. Comme à chaque fois, j’étais désarmée par les redirections infinies à chaque mot, à chaque virgule, entre les lignes. Comme souvent, j’appuyai sur le lien sans qu’aucune connexion ne se fasse dans mon cerveau. C’était un automatisme ordinaire. Un parmi tant d'autres. Pourtant, ce jour-là, ce que je trouvai sur cette page web me fit un effet électrique. Un service neuronal adapté à chaque système cognitif qui canalise et discipline les pensées les plus folles. Il s’installe en une journée et se règle à la discrétion de l’utilisateur. C’est une sorte de deuxième cerveau qui stocke et accumule les idées et les refait sortir une par une ou en rafale, les classe ou les hiérarchise. Le clic me prit une fraction de seconde. L'adoption pas plus d'une heure. Écrirais-je encore dans mes carnets ? Que deviendrait ma manière de réfléchir ? Ma capacité à lire un livre ? Je n'en avais absolument aucune idée. La seule chose que je savais c'est que ce jour-là, pour la première fois depuis longtemps, j’allais venir à bout d’une de mes idées intempestives : la volonté de ne plus en avoir.\r\n\r\nHajar CHOKAIRI\ngid://initial/Decidim::Hashtag/4/_IA","title":"(Scénario sans-titre 14)"}

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