Empreinte numérique

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Source: {"body":"15 janvier 2050, je suis assis paisiblement chez moi en train de lire. J’ai toujours aimé les vieux livres d’Agatha Christie. Ce n’est pas tant une histoire de style, plutôt un plaisir sans borne qui repose presque entièrement sur la texture, sur les tourbillons désuets d’une prose d’un autre âge. Les mots frappent mon cerveau, criminels et sans équivoques. C’est le livre qui me lit. Mon visage et mes yeux ne sont que la couverture, ce n’est pas important. J’entends le bip personnalisé du badge de Mina, précis et bref, qui ouvre la porte, puis l’envol de ses pas légers sur le sol tonique. Il paraît qu’il change de couleur selon la vitesse de nos pas, ravissant les gens pressés et engourdissant les valseurs du sommeil à la nuit tombée avant qu’ils n’aillent s’étendre dans la capsule d’insomnie. J’ai récemment fait installer l’extension vibration. C’est si bon de sentir le sol bouger, étreindre tendrement nos pieds, fort de cette compréhension sans limite qu’il a de nos errements et de nos envies. Je suis aveugle, et je n’ai pas trop apprécié les années 2000, la vague des écrans, si discriminants dans une société où même sans handicap, on ne peut plus rien voir sans curation tant tous les mots appellent à être lus. Les extensions généralisées de Curatio ont donné un nouveau souffle à ma vie. Pas besoin de les voir. C’est eux qui voient à ma place et me transmettent l’information digne d’être ingérée. On choisit tout pour moi dans le fast-food infobèse, mais quoi qu’il arrive, je n’ai jamais été autonome. Le système de caméras à reconnaissance d’image me raconte les histoires de ce que je ne peux pas voir. Selon les jours, je varie les plaisirs : les mots ne sont jamais neutres. Je le branche sur le filtre comédie, si j’ai besoin de rire, ou le filtre vintage, pour mieux comprendre notre monde en mutation. Un bruit étouffé vient rejoindre la cascade musicale des mots. Mina me parle. Je retire mon casque et je me tourne vers elle. Curatio l’a géolocalisée dans la cuisine. Elle épluche une banane trop mûre. ‘Tu disais ?’ Elle sourit, je ne la vois pas. A vrai dire, je ne l’ai jamais vue. La reconnaissance d’image intégrée à mon système Curatio m’avertit cependant à chaque changement d’émotions. La technologie était peu développée au début de notre relation, mais le temps a raffiné sa mécanique. J’ai l’impression que notre relation, faite initialement de sourires immenses et de larmes éplorées, devient chaque jour plus sincère, à mesure que mon système peut me traduire les changements imperceptibles de son visage qu’il connaît désormais si bien.\r\n\r\nAudrey Jarre\ngid://initial/Decidim::Hashtag/4/_IA","title":"(Scénario sans-titre 12)"}

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