La gouvernance de l'IA

#IA Construire ensemble un futur positif

Étape 3 sur 3
Publication 15/07/2021 - 15/12/2022
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Extrait aménagé de Baobabstories

16/12/2021 09:43  

Eterlutisse a passé plusieurs années dans des réalités virtuelles thérapeutiques afin de la guérir des névroses qu’on lui avait diagnostiquées. Elle doit se réadapter au monde réel, notre futur, après avoir vécu dans le monde des années 2010 où elle était maîtresse d’école. Sa mère l’interroge sur ses projets :

- Que comptes-tu faire ? Je t’aiderai, qu’est-ce qui t’intéresserait ? Design ? Marketing ? Cinéma ? Musique ?

- Maîtresse d'école.

- Pardon ? Qu'est-ce que c'est ?

- Instit', préceptrice, pédagogue, éducatrice...

Le dernier synonyme semble éveiller un éclair de compréhension discret dans l’œil d’Etriade.

- Tu veux animer une émission éducative ? Pourquoi pas. Venant de toi je m'attendais à tout. Au moins tu restes dans le relationnel.

Je commence donc une nouvelle vie ! J'habite donc dans ce nouvel appartement, que ma mère m’a obtenu : une résidence de 3 barres d’immeubles dont les façades se voudraient être l’imitation d’un château du début de l’époque moderne. Il y a un jardin à la française devant. Je repense à mes derniers jours avec ma sœur, avant mon déménagement : le quartier impérial est en bordure de mer mais on ne la voit pas depuis ce côté du building commercial où nous étions. Je me souviens, le ciel bleu, un goéland passe au-dessus du lac en bas de la tour. C'est agréable de ne voir aucune route nulle part, bizarre. Toutes les circulations se font en sous-sol, une double circulation : fret par tube et métromobile pour les passagers. Du coup, en bas, il n'y a aucun passant, que des jardiniers affairés en silence à traquer la moindre feuille morte. J'ai demandé à Eterna, ma sœur, pourquoi il y avait tant de personnes affectées à l'entretien des espaces verts. Elle a haussé les épaules et ajouté sibylline : "Rien ne se créé, tout se recycle." Et puis elle m'a attirée loin de la baie vitrée qui dominait le parc vide de promeneur pour que je regarde avec elle des boutiques de fringues qu'elle était venue expressément me montrer dans cette galerie. Côte à côte, vitrines totalement identiques hormis la couleur. Elles se déclinaient peu ou prou selon la gamme de l'arc en ciel : rose, rouge, orange, jaune, vert, bleu, violet, gris, argent, or, marron, noir et blanc. A l'intérieur, des mannequins vivants riaient chahutaient parlaient affalés sur des sofas respectant chacun le dressing et le mood code de leur filimarque. Il y a plein de métiers étranges dans cette société de l'ultra-consommation. Personne ne doit être inactif. Lorsque j'avais demandé si la situation du chômage n'était pas trop explosive, lors d’une soirée où la musique n'était pas saturée, les gens avaient eu un regard bovin le temps d'un "Ô temps suspend ton vol" et puis avaient ri sur l'impulsion d'Eterna, toujours prête à me sortir d'un mauvais pas. Visiblement le concept était inconnu. Si tu n'avais pas d'activité, on t'en trouvait une et si on avait besoin de quelqu’un, on débauchait celui qui correspondait au profil sans autre aménité. Les gens travaillent et consomment. Si tu veux avoir la paix, il te faut un loisir payant... Une alarme assourdissante se déclenche dans mon appartement qui vire au rouge. La lumière pulsait des murs, c’était insupportable. Je me réfugiais sous la table collée au bar de la cuisine américaine, les mains plaquées sur les oreilles, les yeux fermés. La lumière aveuglante irradiait depuis tout le mobilier maintenant. Elle me blessait malgré mes paupières closes. Je pleurais malgré moi. Soudain, libération, tout s’apaisa. J'osais un œil au dehors. Un jeune garçon se tenait face à moi, dix ans peut-être.

- Vous êtes folle ? Ça doit faire au moins trente-cinq minutes que vous avez laissé votre écran éteint. Vous devriez désactiver le didacticiel de l’appartement, il est vraiment lourd !

Derrière lui sur le mur défilait le logo bonhomme d'une marque de bonbons. Je sortis en rampant, sans doute l'air très gauche et je lui souris. C'était mon voisin visiblement et il était venu à ma rescousse même s'il me traitait de folle.

- Merci, je viens d’emménager. Eterlutisse.

- Je n’ai pas le temps, désolé, il faut que je retourne dans mon programme éducatif, mes parents ont payé pour trois heures trente, je vais me faire enguirlander si je m'absente trop longtemps. Tchao, je m'appelle Quentin.

Et le voilà qui s'éclipse sans fermer la porte. Je le vois se glisser dans l'appartement en face du mien, claquement de porte. J'imagine qu'il va falloir que je lise ce mémo concernant les équipements de l’appartement avant de me remettre à rêvasser. Si ça se trouve il est équipé d'un sofa éjectable si je m'y affale trop longtemps... autant prendre connaissance de tout ce qu'ils ont prévu pour moi. Tiens ? Il y a un onglet travail : j’enseignerai dans une classe virtuelle, depuis chez moi ! Voilà donc ce que c’est qu’être maîtresse aujourd’hui…Premier jour d'école - Il est indiqué que ma tenue n’est pas importante mais je me suis quand même tirée à quatre épingles. Quand les élèves me verront, je serai vêtue par l’application, ce sont les parents qui choisissent l’avatar que leur enfant voit. Je change le canal de mon écran de salon : mode travail. Les élèves apparaissent sur le pan de mur qui diffuse habituellement des publicités, un peu comme si une cloison était tombée et que la classe était juste derrière. Oh ! Il y en a un qui a un avatar Mickey, ça ne va pas être facile de le gérer celui-là… Ils sont une quinzaine, idéal. Le matin je donne des cours de littérature pour enfant de 8 à 9 ans, à des élèves de mon fuseau horaire et l’après-midi à des élèves habitants à l’autre bout du monde. Les écoliers ne sont scolarisés dans des classes virtuelles que le matin. Visiblement, il n’y a maintenant plus qu’une seule langue ou une traduction simultanée, en tout cas. Le processus est indécelable, qu’ils soient d’un ici indéterminés ou de très loin, mes élèves et moi parlons français. Je me suis rapidement rendue compte que certains de mes élèves étaient l’avatar de plusieurs personnes en même temps. J’ai d’abord pensé que j’avais quinze élèves mais rapidement j’ai compris que seuls cinq élèves étaient des êtres uniques, sans doute parce que leur attitude n’était pas normée. Les avatars à multiple personnalités sont toujours concentrés, ils lèvent le doigt pour répondre et trouvent toujours la réponse attendue. J’imagine qu’une IA sélectionne la réponse prononcée parmi toutes celles proposées ; il choisit la plus pertinente. Je ne sais pas si je dois privilégier leur parole puisqu’ils sont peut-être nombreux où celle des uniques qui sont des « vraies » personnes. Je les ai interrogés sur leurs activités « extra-scolaires », La plus-part m’ont répondu qu’ils passaient l’après-midi en téléimmersion dans des programmes sportifs ou culturels. En fin d'année notre campus virtuel se réunira dans le monde réel, j'ai hâte d'y rencontrer mes élèves. -Surtout Mickey :)-

Eterlutisse
#IA

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Référence : BM-PROP-2021-12-243
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