Le futur du récit

Construire ensemble un futur positif

Étape 3 sur 3
Publication 15/07/2021 - 15/12/2022
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Un sentiment oublié

17/12/2021 09:32  

Le 24 juillet 2049, trois ans après la fonte totale des glaces et le crash des data centers qui contenaient l’histoire de toute l’humanité, je reçois un appel de Max, mon meilleur ami. Je réponds, pensant que c’est une urgence : ni lui ni moi n’avons le temps de parler de choses futiles, c’est mal vu. Son hologramme fait irruption dans la pièce, surexcité comme à son habitude : l’image ne cesse de sauter, elle ne parvient pas à suivre son pas.

- Tu as vu le dernier Ă©pisode de Bright Mirror ?

- Hein ? Tu m’appelles pour me parler d’une série télé ?

Je sais que Max passe toujours un temps monstrueux devant la télévirtuelle : au moins 10min par jour. Un scandale. C’est le temps qu’il me faut pour quatre repas ou pour traiter un dossier à dix millions. Mais puisqu’il est là, je l’écoute.

- Non, dis-moi, ça a l’air passionnant vu ton niveau de surexcitation !

- Ça parle d’un truc hallucinant. Ils appellent ça des vacances.

- Etrange comme mot. Comme vaquer Ă  ses occupations ?

- Non justement, comme ne rien faire. C’est un moment où tu n’es pas au bureau.

- Ah oui, comme nos parents du temps des maladies ? Quand ils restaient au lit avec 40 de fièvre ?

- Non non. Un moment oĂą tu choisis ce que tu veux faire.

- Ah oui, ok. J’ai du mal à comprendre l’intérêt : en quoi c’est rentable ? Tu fais un projet parallèle pendant ce temps ? Tu te formes ?

- Non, dans l’épisode, en fait ils ne faisaient rien. Ils étaient allongés sur de grandes étendues de sable sur des serviettes de bain et ils devenaient tout marron au soleil. Ils trouvaient ça stylé, d’ailleurs. Et ils prenaient le temps de se parler. Par exemple il y avait un homme et une femme. Ils devenaient tellement intéressés l’un par l’autre qu’ils passaient tout leur temps ensemble, et qu’ils voulaient emménager dans la même alvéole pour ne plus jamais se quitter.

- Ce n’est pas très efficace comme concept. Tu imagines partager une seule salle de bains ? Si tu mélanges les brosses à dents ? Et comment tu dors à deux dans un lit ?

- Mais c’était tellement beau. Visiblement ça donnait une saveur nouvelle à tout ce qu’ils vivaient. Je t’assure, tu aurais dû le voir en télévirtuelle. J’avais choisi le rôle de l’homme et je le vivais, c’était incroyable ! Je vivais ses souvenirs, et je voyais que les matins avaient changé, que les soirs avaient changé, que le goût des aliments n’était plus le même.

J’ai continué la conversation avec scepticisme, mais sans pouvoir m’empêcher de sourire. Max a une telle capacité d’enthousiasme qu’il me le communique involontairement. Je vivais l’histoire à travers sa voix mieux qu’avec les capteurs de la télévirtuelle. Je m’évadais.

Puis il a raccroché, car le temps passait - dix minutes, au moins, que nous nous parlions.
J’ai repris mes dossiers après avoir mangé une barre énergétique. Mais je ne pouvais plus me concentrer. Le sentiment était inhabituel - j’ai failli tendre la main vers mes médicaments pour l’hyperactivité.

Je pensais à cet homme que je croisais tous les jours sur les écrans des vidéoconférences. Depuis vingt ans que nous travaillions ensemble, je ne l’avais jamais rencontré. Mais je ne pouvais m’empêcher d’imaginer ce que serait le contact de sa peau.

Blandine, CĂ´me, Anne et Louis

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Référence : BM-PROP-2021-12-596
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